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l'artiste
Le spleen saisissant des trottoirs parisiens imprègne avec contagion la cold wave de BLVL. Une musique dense, atmosphérique et contemplative, teintée d’electro céleste, enfin à maturité sur MARTHA. Ce premier album n’est pas tant une suite qu’un reboot des EP’s Empire Of Nights (2020) et Turning Worlds (2023), alors que le quatuor qui en est à l’origine grave dans le marbre sa nouvelle identité. Les vétérans de la scène rock/metal parisienne (Dysfunctional By Choice, Mass Hysteria, Comity, Doyle Airence, Deliverance…) avancent masqués, interrogeant la dualité homme/monstre :
Avons-nous créé ces monstres que nous sommes devenus et que nous nous efforçons de cacher ? D’où vient cette laideur qui nous effraie et nous attire ? Cette noirceur que nous méprisons et admirons ? Pouvons-nous échapper aux délices de cette souffrance solitaire qui nous guette à chaque pas et dévore lentement notre civilité hypocrite pour ne laisser que notre maudite humanité ? La vérité reste dans l’art. La vérité reste dans l’ombre. Masqués, nous montrons notre vrai visage.
Les 10 nouvelles offrandes de BLVL creusent définitivement l’écart avec la dominante indie rock/electro de ces précédentes. La main forte du producteur Charles Caste les guide vers des contrées qui, pour le groupe, semblaient inatteignables. Ses membres s’en remettent au son qui a bercé leur jeunesse, participant au revival 80’s actuel. Pourtant, l’ensemble se trouve vigoureusement ancré dans son époque. Quand le single « Lion’s Claw » se révèle un hymne post punk frondeur, c’est de langueur qu’il est question pour « The Serpentine Song » ou « Chase The Dragon ». Quand « Luperci City » ou « The 360 Holes Bird » rivalisent de hooks, l’heure est aux balades brumeuses sur « Dogs vs Foxes » ou « Sunday Sparrow ». Une combinaison sonore qui relève d’un aboutissement, à travers laquelle le groupe est enfin prêt à se présenter.
Au cœur de BLVL, il y a la fameuse place Sainte Marthe, nommée d’après Marthe de Béthanie, disciple de Jésus-Christ connue pour avoir vaincu la Tarasque, chimère aux différentes incarnations. Aussi la tracklist et la superbe pochette réalisée par Førtifem nous livrent les indices de tout ce bestiaire en tant que concept artistique. MARTHA en écrit le conte, donnant tout son sens à la symbolique des masques. Faces sombres et lumineuses se greffent à des personnalités complexes, des amours impossibles, des vies cachées…
Belleville est le berceau du groupe et le fondement de son identité. C’est peut-être un des derniers quartiers de Paris à avoir une âme. Aucune histoire n’est inventée, on raconte celles qui s’y vivent, à travers des métaphores, des personnes qui y ont mis les pieds, et nous-mêmes. C’est notre façon d’affirmer qu’on vient de là, et présenter le petit cinéma social de la vie locale, qu’elle soit heureuse ou désolante.
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